Août

Sois Humble

 

Dans la vie surnaturelle, ce qui attire Dieu, c’est la petite ou, ce qui attire Dieu, c’est la petitesse ou, pour mieux dire, l’amoureuse reconnaissance de sa propre petitesse qui se nomme humilité. « Sublime, Jahvé regarde les humbles », dit le psalmiste (Ps 137,6), chante la Vierge Marie dans le Magnificat. Et Jésus rend grâce au Père céleste « parce qu’il a caché les vérités éternelles aux sages et habiles pour les révéler aux touts petits » (Mt 11,25). Mais l’humilité plait aussi aux hommes et elle leur est sympathique, parce qu’elle répand un parfum agréable, et parce qu’elle est d’une force attractive. Ici se trouvait le charme issu de l’esprit du Père Jacques, et qui rayonnait puissamment dans toutes les directions. Celui, qui le rencontrait pour la première fois se sentait instinctivement poussé à l’aimer, mais celui qui le connaissait déjà, l’aimait et le vénérait comme un saint. Dieu qui voulait faire de lui un chef d’œuvre d’humilité lui avait donné une règle d’or qui se prêtait merveilleusement à son plan divin. En effet, il n’opposa aucun obstacle sérieux à la grâce ; au contraire, il se montra toujours presque prédisposé à la recevoir. On pourrait dire qu’il était né humble et qu’il n’était plus obligé de faire nul grand effort pour se sentir le frère des pauvres, le dernier parmi les petits, l’égal des plus malheureux, le compagnon de ceux qui sont tombés, car il avait conscience de son humilité.

Il avait voulu embrasser la vie d’un humble moine et, seulement par obéissance, il accéda au sacerdoce dont la sublime dignité le rendrait effaré. Cependant, à partir du jour de sa consécration, il adopta pour lui la devise de saint Paul : « Je me suis fait esclave de tous pour tous au christ », et il se fit serviteur des pauvres, diminuant tout écart entre lui et les plus malheureux, les plus abandonnés. Les plus coupables, s’abaissant jusqu’à leur niveau, les nourrissant, les vêtant, les lavant, les peignant, les baisant avec amour et respect. En les prenant ainsi, du côté du cœur, il infusait en eux l’ardeur de sa Foi et de sa charité. Il dispensait le soulagement matériel aux corps et, en même temps, il élevait les âmes, les gagnait à Dieu, les sauvait. Si nous pouvons rapporter tout ce qu’il pensait et disait de soi, il y aurait de quoi rester stupéfait en constatant à quel point il avait pu développer l’humilité. Il s’appelait lui-même le repère des imperfections et la brebis boiteuse qui arrive toujours en dernier lieu. Il disait volontiers que la Providence était généreuse à son égard, lui qui était le pécheur le plus horrible, le ministre le plus indigne ; il disait que le respect dont on l’entourait était chose humiliante pour sa misère. En outre, il recommandait tout le monde à prier pour que son âme ne se soustrayait à la contemplation de ses misères qu’il avait à peine effleurées au moment même où il croyait les connaitre.

En répondant à Son Eminence le Cardinal Joseph Guarino, un des premiers Peres Coadjuteurs qui s’était réjoui de l’institution de la maison des Missionnaires serviteurs des pauvres, il écrivait : « Réjouissez-vous, o notre cher Père, en nous regardant comme le fruit de votre zèle par la grâce de Dieu qui nous a porté jusqu’à ce point ; mais ne nous regarde Ps de loin, d’où tout semble admirable. Son Eminence voit en nous ce que Dieu a fait et ce qu’il continue à faire, mais il ne peut pas voir ce que réellement nous sommes, et combien nous avons besoin de sa paternelle sollicitude… Venez redonner vie à votre maison d’où vous vous êtes éloignés par disposition divine, en la confiant à qui n’a pas su la garder ».

Aimant et esclave de l’humilité, il voulait que ses fils la pratique jusqu’à l’héroïsme et, avec de profonds gémissements, il suppliait le Seigneur pour qu’il les sanctifie tous, tout en faisant qu’ils demeurent cachés et obscurs : « Seigneur, sanctifiez-nous, mais pas sur les autels ».

Les pensent qui suivent ici, au même moment qu’elles révèlent le degré d’humilité du Bienheureux, elles trouvent aussi la voie qui conduit au Royaume des cieux, ouvert seulement à ceux qui se font petits comme des enfants.

– 1 –

Vivons dans l’humiliation de notre néant, comme l’argile dans les mains du potier, prêts à adopter la forme qu’on nous aura donnée.

 

– 2 –

L’orgueil de notre vie appelle adversité tout ca qui nous humilie, alors que cela vient instaurer la vertu dans notre âme.

 

– 3 –

Quand le seigneur nous accorde la grâce de nous dévoiler nos manquements, la meilleure chose à faire est de nous humilier et de nous corriger.

 

– 4 –

Bien souvent Dieu permet le mal pour en tirer le bien. Car, aux âmes, c’est nécessaire de connaitre leur propre misère pour comprendre le grand trésor de la miséricorde de Dieu. Cette double connaissance let l’âme sur la voie du salut. C’est pour cela que saint François commençait toujours sa sainte oraison en disant : « Seigneur, faites-moi connaitre qui je suis et qui vous êtes ».

 

– 5 –

Quand une âme possède le don de la sainte humilité, elle conserve facilement son innocence, sait arriver à connaitre le mal de sa part, sa propre expérience, mais quand une âme manque l’humilité et qu’elle se fait une certaine opinion d’elle-même, ou naturellement ou par quelque suggestion du démon, dans ce cas le seigneur, toute proportion respectée, tolère que cette âme aille jusqu’à connaitre le mal pour se rendre compte de sa misère et en même temps réussir à se remettre sur la bonne voie.

 

– 6 –

Les moments d’humiliation et de mépris sont très précieux pour les âmes qui cherchent vraiment Jésus Christ. Car ces deux choses rendent les âmes plus sensibles au christ pendant qu’elle4s éprouvent le détachement de la terre, elles se sentent davantage s’élever vers Dieu en s’unissant à la croix de Jésus. Je te souhaite d’apprendre à les apprécier et à en tirer tout profit.

 

– 7 –

Profite de tes faiblesses pour t’humilier aux yeux de Dieu, et ainsi avoir de l’indulgence pour ton prochain qui est dans les mêmes circonstances.

 

– 8 –

Notre faiblesse est un grand moyen dans les mains de Dieu pour nous élever jusqu’à lui. Grace à ce moyen, il dévoile à notre âme l’horreur de sa misère, détruit en nous l’amour propre pour nous donner le sien, et nous unifie dans sa volonté et dans son amour.

 

– 9 –

Notre patrimoine c’est seulement la faiblesse et la misère. Si Dieu a voulu épouser nos âmes, il lui faut se contenter de la dot insignifiante que nous lui apportons ; en même temps, il doit prendre soin de l’administrer à sa façon.

 

– 10 –

Que comprenons-nous, nous autre, se la miséricorde de Dieu pour nous ? C’est certain qu’avec sa douce violence, il opère dans nos âmes d’une façon surprenante, en imprimant en elles son empreinte…Oh, comme sont mystérieuses et incompréhensibles les voies de Dieu ! il ne répugne pas d’approcher les cadavres les plus puants pour en organiser les membres pourris en un corps vivant. Pourquoi tout cela ?… Il sait ce qu’il fait ! Mais que peut en savoir la pourriture dégoutante qui mérite seulement d’être enterrée profondément sous terre, pour qu’on puisse s’en défaire et l’empêcher d’empester le monde ?

 

– 11 –

Reconnais d’être une créature vile et inutile à la fois : incapable d’aucun bien sans le secours de Dieu ; prête à faire le mal si Dieu ne te retire pas. Abandonne-toi entièrement à Lui en attendant qu’il fasse tout ce qu’il veut.

 

– 12 –

L’âme qui n’a pas l’esprit d’une humble soumission est une cause de scandale ; son mauvais exemple incite au mal, car ses murmures scandalisent et affaiblissent les âmes.

 

– 13 –

Garde-toi de suivre Lucifer qui voulait se faire l’égal du Très-Haut, en s’élevant sur le trône de Dieu ; mais suis Jésus qui s’est soumis à l’humiliation de la croix.

 

– 14 –

Méfie-toi et apprends à douter de ton jugement. Ne sois pas obstiné dans ta façon de penser, mais cède toujours humblement et généreusement. Le fait de céder est un acte noble ; il n’indique pas faiblesse, mais grandeur et force d’âme.

 

– 15 –

Que de motifs nous avons à louer le Seigneur quand il nous visite avec ses épreuves ! Plus elles nous humilient, plus elles sont douloureuses ; mais notre nature corrompue, dominée par un insolent orgueil, ne veut pas reconnaitre, même devant Dieu, sa condition misérable. S’il en était ainsi, pourquoi, tant de gêne à la vue de notre misère ? Serions-nous donc quelque chose de plus que misère et horreur ?

 

– 16 –

S’il a plu à Dieu de nous honorer et de nous honorer et de nous enrichir avec ses dons, nous devons savoir que ce sont ses dons. Et lorsque même il permettrait qu’ils soient retirés, nous devons supporter notre nudité en paix, en l’étalant entièrement devant son regard paternel, pour faire épancher sa miséricorde sur nous.

 

– 17 –

Dieu a racheté notre volonté et, par sa miséricorde, il l’a rendue prête à mourir mille fois, et plus, à subir les souffrances de l’enfer plutôt que l’offenser. Cela est une grâce de sa part, car nous, mondains que nous sommes, nous n’avons pas la capacité de faire autant ; nous sommes plutôt prêts à toute saleté et à toute bassesse. Ce don de Dieu doit être notre flambeau à travers les ténèbres épaisses de notre cœur. Il sera comme un ferme écueil dans l’océan orageux du cœur, écueil qui résistera à la fureur des flots impétueux. Il sera comme une forteresse inexpugnable où se refugiera notre faiblesse lorsqu’elle se trouvera attaquée.

 

– 18 –

Si notre salut dépendait uniquement de nous, si l’édifice de notre perfection devait s’ériger selon notre façon de voir, quel malheur ce serait, nous réussirions, comme le font les singes, à le fabriquer en l’air, pour le voir aussitôt s’effondrer.

 

– 19 –

Laissons faire Dieu ; il sait comment nous guider pour détruire en nous le vieil homme et y établir le nouveau. Et s’il permet que nous tombions dans nos misères, c’est pour nous humilier, afin que notre âme connaisse sa véritable condition et qu’elle gémisse aux pieds du Seigneur pour être libérée de l’erreur de ses misères, quand il voudra et à la manière qu’il voudra.

 

– 20 –

Pendant toute sa vie, saint François faisait toujours cette prière : « Seigneur, faites-moi connaître qui je suis et qui vous êtes ! ». Si le don de la sainte humilité nous rendait semblables au publicain contrit, nous serions mieux justifiés par la grâce, à l’opposé du superbe pharisien. Et pourtant, tant de choses ne sont que mesquineries, et le Seigneur les permet dans les âmes qui lui sont plus chères, puisqu’il veut l’humiliation. Ce qui importe, c’est de recevoir des mains de Dieu, ce Dieu qui, dans sa bonté, fait tout pour notre bien.

 

– 21 –

Tout est utile dans les mains de Dieu, notre misère. Laissons faire le Seigneur en toute chose. Il donne à Polichinelle aussi la figure d’un prince, lorsque celui-ci est utile à la réalisation de son saint vouloir… et il permet les humiliations pour que l’âme, réduite au néant, s’abandonne entièrement dans ses bras amoureux. Reconnaissons notre misère et humilions-nous toujours en mettant notre espérance dans la miséricorde du Bon Jésus.

 

– 22 –

Une âme qui sent l’abandon de Dieu doit s’examiner elle-même et s’anéantir. Cet abandon apparent est en effet un avantage pour elle ; il lui fait mieux connaitre son propre néant et le grand vide qui cause l’éloignement de Dieu.

 

– 23 –

Ecoute le conseil de celui qui t’aime vraiment en Jésus Christ : mets-toi en présence du Seigneur, fais avec simplicité et sincérité ton examen de conscience, et montre-toi à ton guide spirituel tel que tu es devant Dieu.

 

– 24 –

L’examen journalier te consolidera dans la vertu de la sainte humilité. Parce qu’il t’aidera à connaitre tes défauts et les corriger ; en même temps, il t’amènera à te dépouiller du vieil Adam pour revêtir le nouveau Jésus. Si tu veux obtenir les grâces dont tu as besoin, exerce-toi à la sainte humilité. Dieu donne ses grâces aux âmes qui sont vraiment humbles.

 

– 25 –

Humilie-toi toujours devant Dieu et agis avec la plus grande simplicité, en accomplissant tes devoirs et en correspondant à la grâce de Dieu.

 

– 26 –

Extermine sans pitié tout ce qui peut rendre superbe ton esprit en prenant comme unique appui ta fidélité et la sainte obéissance, et Dieu te rendra fort contre la funeste bête de l’orgueil.

 

– 27 –

Aime le Seigneur et fais tout pour qu’il soit glorifié dans ta petitesse. Profite de tout pour montrer ta fidélité et ta gratitude à l’égard d’un Dieu si Bon qui dispose toute chose pour ton mieux.

 

– 28 –

Prie le Seigneur pour qu’il te fasse sien et qu’il te remplisse de son zèle, en te dépouillant de toi-même à chaque moment de ta vie, et en t’infusant les dons de son Esprit Saint, pour que tu puisses bien observer ses voies.

Adore de tout cœur et plein de résignation la volonté divine, même dans les moments de désolation, et tu connaitras graduellement ce que tu es et ce que tu vaux. Ainsi donc, pendant que tu progresses dans la destruction de ton amour propre, tu acquerras la sainte humilité.

 

– 29 –

Mais ceci n’est pas un travail à faire d’un seul coup ; il faut que la hanche revienne plusieurs fois sur une même entaille, car l’orgueil et l’amour propre sont le bois qui fait des contusions pour ne pas se laisser couper, et comme l’eau de la conque qui, piétinée, s’élève.

 

– 30 –

Une âme qui s’humilie devant Dieu et qui retourne repentie à son amour, trouvera toujours le tendre accueil de son divin Pasteur qui l’a racheté à travers les ténèbres de sa séparation et de son cruel éloignement.

 

– 31 –

L’âme repentie descend avec une douloureuse tranquillité dans sa propre humiliation et, avec une fidèle persévérance, elle consolide sa vie nouvelle dans la sainte humilité. Elle ne se fatigue pas de prier Jésus qui est plein d’amour pour nous en lui disant humblement : « Seigneur si nous ne sommes totalement à vous et pour vous, ou si nous sommes encore quelque chose à nos propres yeux, détruisez-nous, et commencez en nous votre œuvre ! ».